Guide explicatif de la législation sur le handicap : loi 2002-2, loi de 2005, loi de 2018 et décret du 13 décembre 2022
Le 10 juillet 1987, une première loi d’envergure introduisait l’Obligation d’Emploi des Travailleurs Handicapés (OETH), à hauteur de 6 % des effectifs, pour les entreprises de plus de 20 salariés. À la suite de cette grande avancée législative, plusieurs textes de lois se succèdent pour simplifier, développer et fluidifier l’emploi des personnes handicapées en milieu ordinaire. Ces dernières années, trois grandes lois fondatrices sont notamment venues renforcer l’inclusion sociale et professionnelle des travailleurs en situation de handicap.
Le Réseau Gesat propose un tour d’horizon de ces actualités légales, de leurs objectifs et de leurs mesures phares.
La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances
Véritable tournant historique dans le milieu du handicap, la loi 2005-102 du 11 février 2005, « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », vient définir une toute nouvelle politique du handicap.
À travers ce texte, aussi connu sous le nom de « Loi Handicap », le législateur vient remettre au goût du jour la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales. Celle-ci était en effet devenue obsolète au regard des attentes actuelles et des nouveaux besoins des personnes en situation de handicap.
Une nouvelle définition du handicap
La loi 2005-102 propose, pour la première fois, une définition juridique du handicap qui prend en compte toutes les formes de déficience :
Selon ce texte, est considéré comme handicap « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ».
Cette législation, très novatrice, ne se limite donc plus à une définition exclusivement médicale du handicap et place, comme facteur central, la capacité d’intégration à l’environnement et à la société.
L’accès aux droits fondamentaux de tous citoyens
Le texte de 2005 instaure également un principe phare, selon lequel toute personne en situation de handicap doit pouvoir bénéficier de la solidarité de la collectivité nationale, et, de facto, jouir de ses droits fondamentaux, qui lui sont dus en tant que citoyen.
Cela inclut le droit à la scolarisation en milieu ordinaire, dans l’école dont relève le domicile.
Concernant le droit à l’emploi, la loi du 11 février 2005 réaffirme les dispositions de la loi de 1987 sur l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) à hauteur minimum de 6 % des effectifs dans les entreprises d'au moins 20 salariés. Elle élargit également cette obligation aux organisations du secteur public. Les sanctions en cas de non-respect de cette obligation sont aussi renforcées, avec une hausse du taux de contribution dûe à l’Agefiph (ou au Fiphfp pour la fonction publique). Ce taux varie selon le nombre de travailleurs handicapés employés au sein de la société concernée.
Un droit à compensation
En vue de favoriser le maintien en milieu ordinaire des personnes en situation de handicap, la loi 2005-102 instaure également un droit à la compensation par la PCH (prestation de compensation du handicap). Cette aide financière vise à couvrir l’ensemble des surcoûts conséquents au handicap : aide à domicile, travaux d’aménagement intérieur, fournitures médicales…
La loi instaure également la création des MDPH (Maisons Départementales pour les Personnes Handicapées), un guichet unique visant à centraliser les acteurs de la prise en charge du handicap.
Une obligation d’accessibilité des bâtiments et des transports
Enfin, dans le but de favoriser l’intégration des personnes handicapées dans la vie collective, la loi de 2005 impose une obligation d’accessibilité. Cette dernière s’applique, entre autres, aux ERP ; aux bâtiments professionnels ; aux logements ; aux transports publics ; à la voirie et à l’espace public ; aux communications numériques et téléphoniques ; aux procédures électorales ; aux services publics…
→ À savoir : peu avant la loi du 11 février 2005, la loi du 2 janvier 2002 sur l'action sociale et médico-sociale, à destination des personnels d’accompagnement était promulguée. Elle visait notamment à promouvoir, dans un cadre interministériel, l'autonomie et la protection des personnes, la cohésion sociale, l'exercice de la citoyenneté, à prévenir les exclusions et à en corriger les effets.
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel
Nouveau cap significatif dans le droit à l’emploi des travailleurs handicapés, la loi 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel transforme en profondeur les conditions d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.
Ce nouveau cadre légal s’accompagne de plusieurs changements majeurs, effectifs depuis le 1er janvier 2020, tels que :
- Favoriser l’emploi direct : le taux de l’OETH tiendra uniquement compte du nombre de travailleurs handicapés effectivement présents dans l’entreprise, quelle que soit la nature du contrat de travail (CDD, interim, CDI, stage…). Ce taux sera calculé au prorata du temps de travail effectué sur la période annuelle. Ainsi, l’emploi indirect (achats de biens et services auprès d’ESAT ou d’EA) n’est plus pris en compte dans le calcul du taux d’emploi.
- Encourager le recours à la sous-traitance auprès d’ESAT, d’Entreprise Adaptée ou de TIH (Travailleurs Indépendants Handicapés). Depuis 2020, ces contrats de sous-traitance font l’objet d’une déduction du montant de la contribution due par les entreprises soumises à l’OETH.
- Généraliser et simplifier la déclaration d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (DOETH) : toutes les entreprises (y compris les structures de moins de 20 salariés) devront déclarer le nombre d’embauches de travailleurs handicapés. Afin de faciliter cette démarche pour les employeurs, la DOETH est également intégrée à la déclaration sociale nominative (DSN).
- La prise en compte de l’obligation d’emploi se fera au niveau de l’entreprise (et non plus au niveau de l’établissement). Ainsi, toutes les entreprises de 20 salariés ou plus, y compris les entreprises regroupant plusieurs établissements de moins de 20 salariés, seront soumises à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés à hauteur de 6 % de leurs effectifs, a minima. Cette mesure devait permettre d’ouvrir près de 100 000 postes aux travailleurs porteurs de handicap.
- La nomination obligatoire d’un référent handicap pour les entreprises de 250 salariés. Ce dernier sera responsable « d’orienter, d’informer et d’accompagner les personnes en situation de handicap ».
- La possibilité de recourir au télétravail en cas de demande de la part du travailleur handicapé (ou de son proche aidant).
- La révision du taux d’emploi de 6 % tous les 5 ans. Ce taux reste applicable jusqu’à fin 2024, date à laquelle il devra être revu à la hausse ou maintenu).
- La majoration du CPF (Compte Personnel de Formation) pour les salariés handicapés.
- La RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) sera accordée à vie en cas de handicap considéré irréversible.
À travers ces différentes dispositions légales, la loi de 2018 aspire à favoriser l’accès direct et durable à l’embauche des personnes handicapées et à créer une politique d’emploi encore plus inclusive.
Le décret du 13 décembre 2022
Dernière nouveauté en date, le décret 2022-1561 « relatif aux parcours professionnels et aux droits des travailleurs handicapés admis en établissements et services d’aide par le travail » est le jalon final du plan de transformation des ESAT. Ce plan avait été initié en 2021, à l’issue d’une vaste concertation regroupant une centaine de professionnels du secteur et personnes en situation de handicap.
Ce décret a vocation à aménager les conditions d’accueil et d’orientation des travailleurs handicapés au sein des ESAT et à fluidifier, sécuriser et personnaliser leur parcours professionnel.
L’on y retrouve notamment les grandes dispositions suivantes :
- Attribuer de nouveaux droits, sur le plan collectif et individuel, aux travailleurs handicapés en ESAT. Ces droits se veulent plus proches de ceux attribués aux salariés en milieu ordinaire :
- Les droits aux congés exceptionnels (en cas de mariage, de naissance, de décès d’un proche…) ;
- L’accès à la formation professionnelle ;
- L’élection d’un délégué qui les représente auprès de la direction de l’ESAT ;
- La création d’une instance mixte « Qualité de vie au travail », destinée à formuler des avis et des propositions pour améliorer la QVT, la sécurité, l’hygiène au travail et la maîtrise des risques professionnels ;
- En cas de travail dominical, l’accord préalable du travailleur handicapé est requis. Ce dernier bénéficie aussi d’un repos compensateur (en plus du repos hebdomadaire) et d’une rémunération au moins équivalente au double de la rémunération habituellement due pour une même durée de travail.
- Faire de l'orientation en ESAT un « parcours renforcé en emploi » pour fluidifier l’évolution professionnelle et le passage entre milieu ordinaire et milieu protégé :
- Le travailleur handicapé en ESAT peut intégrer la vie professionnelle en milieu ordinaire, avec la garantie de conserver sa place en ESAT s’il souhaite revenir sur son choix. Il est aussi réintégré de plein droit en ESAT en cas de rupture du contrat de travail ou si son recrutement ne s’inscrit pas dans la durée ;
- Depuis le 1er janvier 2023, le droit de cumuler un emploi à temps partiel en ESAT et une activité à temps partiel en milieu ordinaire ;
- La mise en place d’un fonds d’accompagnement de la transformation des ESAT (FATESAT) de 15 millions d’euros pour permettre aux ESAT de se développer.
Quel a été l’impact de ces nouvelles lois sur l’emploi des travailleurs handicapés ?
Ces législations ouvrent la voie à une culture d’emploi inclusive, qui défend l’égalité des chances et qui contribue fortement à faire évoluer le regard porté sur le handicap en milieu professionnel. Toutefois, malgré de nets progrès, le taux d’emploi des 6 % de travailleurs handicapés exigé par la législation n’a toujours pas été atteint. En 2021, il stagnait toujours à 3,5 %, selon la DARES.
Par ailleurs, selon l’Agefiph, 8,7 % des demandeurs d’emploi étaient en situation de handicap en 2022 et 59 % des DEBOE (Demandeurs d’Emploi Bénéficiaires de l’Obligation d’Emploi) étaient en situation de chômage de longue durée.
Il reste donc beaucoup à faire pour atteindre l’objectif visé par ces lois et assurer l'inclusion des personnes handicapées dans toutes les sphères de la société.
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Sources :
https://www.vie-publique.fr/eclairage/19410-la-refondation-de-la-politique-du-handicap-depuis-2005
https://handicap.gouv.fr/la-loi-du-11-fevrier-2005-pour-legalite-des-droits-et-des-chances