Les réseaux européens : facteurs d’activités et de cohérence.
depuis le jeudi 19 octobre 2006Alain COUTURE | consultant européen
Source : Actes du Forum Handicap et entreprises, Réseau Gesat, octobre 2006
L'Europe offre beaucoup d'opportunités. Que l'on favorise, comme en Grande Bretagne l'insertion en milieu ordinaire pour toute personne handicapée (« mainstreaming ») ou que l'on ait une approche plus accompagnée et protectrice pour les plus fragiles, comme aux Pays Bas, en Allemagne ou en France, la réalité reste la confrontation au milieu économique et concurrentiel. Il faut donc, partout en Europe, répondre dans les temps, au meilleur prix et dans le respect de la qualité. Notons à cet égard que nombre de nos collègues européens sont certifiés.
Au niveau européen, comme d'ailleurs sur le plan national, travailler en réseaux peut nous aider à trouver de nouveaux marchés et à être plus performants. Je voudrais évoquer à ce sujet deux exemples fort différents de réseaux, auxquels les organisations que je représente participent : Workability et Homabilis.
Workability, un réseau international pour favoriser le droit au travail des personnes en situation de handicap
Workability est un réseau international constitué il y a plus de 20 ans, à partir de l'Europe et qui compte aujourd'hui plus de 110 organisations membres dans 32 pays et représente deux millions de travailleurs handicapés. Il défend le droit au travail de toute personne en situation de handicap et cherche à garantir des standards internationaux de qualité pour l'ensemble du réseau. Il développe une politique active de lobbying auprès des instances européennes et favorise la recherche d'activités et d'emploi pour ses membres et leurs salariés, notamment au sein de sa cellule B/to/B (Business to Business) qui met en relation les organisations membres avec des compagnies internationales.
L'exemple de la D3E
Workability a été approché il y a quelque temps par un consortium de plusieurs grands groupes industriels, ERP, (European Recycling Platform). Avec notamment Gillette, Braun, Hewlet Packard et Sony, ERP voulait anticiper sur l'application de la circulaire européenne de 2002, donnant obligation aux producteurs d'équipements électriques et électroniques à démanteler, recycler, réemployer et éliminer proprement leurs déchets (D3E). La traçabilité et les contraintes exigées par Bruxelles impliquaient qu'une bonne partie de ce travail ne pouvait être que manuel, ce qui pouvait représenter un important marché pour notre secteur, riche de main d'œuvre, dans un environnement économique très appauvri en la matière par les délocalisations massives.
Pour arriver à ses fins, - optimiser dans chaque pays cette opération, tant en coût qu'en qualité, - ERP voulut tout d'abord un seul interlocuteur pour l'Europe, ce qui s'est bien vite avéré impossible, puis un seul interlocuteur par pays, avec le souci d'éviter les interlocuteurs publics, préjugés plus lourds et plus coûteux.
Il n'y avait en France aucune organisation en mesure de répondre à une telle demande, mais la Fégapei, approchée en tant que représentant de Workability pour notre pays, s'est rapprochée d'un de ses membres, l'association du Nord à laquelle j'appartiens, car l'un de ses ateliers, Défabnord, avait développé depuis plus de 10 ans des activités de défabrication de produits « EDF » à l'origine (des compteurs essentiellement) , puis de toute la gamme des produits électroniques de nombreux autres clients (ordinateurs, imprimantes, scanners, etc...).
Défabnord a donc pris la tête d'un réseau en prenant contact avec le GEST (ancien nom du Réseau Gesat), UNEA, Emmaüs et d'autres organisations de l'économie sociale, pour proposer une réponse à ERP, puis à d'autres appels d'offres, européens, comme DELL ou Toshiba, ou nationaux, comme France Télécom, permettant à une dizaine de plateformes française de se développer de façon cohérente, pour traiter chacune de 1000 à 5000 tonnes par an. Défabnord, par exemple a du progressivement faire face à un doublement de son traitement et installer une nouvelle unité.
D'autres opportunités sont ensuite intervenues dans d'autres domaines comme l'automobile, la distribution, ou l'hôtellerie-restauration, par exemple. Certaines opportunités européennes sont restées inexploitées en France, faute d'interlocuteurs rassemblant taille critique et cohérence.
Pour répondre à une question parvenue de la salle sur le secteur public, je précise que les appels d'offre du public, tels qu'ils sont organisés aujourd'hui avec des remises en questions régulières dans le temps, peuvent présenter, s'ils concernent des marchés importants, des risques de mise en danger de nos établissements, s'ils se présentent seuls. Ainsi un autre atelier protégé de notre association, qui avait enlevé un marché de la Communauté Urbaine de Lille a été très déstabilisée en ne parvenant pas à le garder.
Homabilis, fruit d'un jumelage
Il me reste un peu de temps pour évoquer un second exemple de réseau, Homabilis.
Homabilis est issu d'un jumelage de deux villes, il y a une quinzaine d'années, l'une allemande, l'autres française. Après quelques échanges traditionnels, qui ont permis aux personnels et aux personnes handicapées de deux associations, l'APEI de Roubaix-Tourcoing et Caritas de Westphalie du Nord de se connaître, le partenariat a pris une dimension nouvelle avec la création d'un GEIE (Groupement Européen d'Intérêt Economique) qu'ont rejoint successivement des villes anglaise, écossaise, neerlandaise, flamande, puis une autre française et leurs associations de handicap, avant de convier prochainement des polonais. Ensemble, nous sommes allés chercher des marchés d'activité, comme les cartes de l'UNICEF qui fait des appels d'offres depuis la Suisse, chaque année, portant sur des millions de cartes à imprimer et à conditionner pour différents pays, ou comme des faisceaux électriques de puissantes chaudières ou de véhicules Volvo.
Les membres d'Homabilis développent également des projets de formations ou de recherche, soutenus par les fonds sociaux européens. Le projet actuellement à l'étude porte sur le thème « Comment éviter l'exclusion du marché du travail des personnes les plus fragiles dans le cadre de la mondialisation des marchés », avec comme ambition de définir des profils de postes nouveaux pour accompagner les travailleurs et les tuteurs d'entreprises, avec les modules de formation adaptés.
Pour conclure, je ne peux que vous inviter à pénétrer ou à susciter de tels réseaux. C'est d'ailleurs la politique suivie depuis de nombreuses années par la FEGAPEI, qui a créé une mission Europe et est membre actif de Workability entre autres réseaux européens, et qui cherche à y intéresser ses membres. C'est aussi le cas de mon APEI, membre d'Homabilis et très attentive notamment aux échanges transfrontaliers.