Le travail à la vigne ça ne s'invente pas !
Vignes - Travailleurs de l'ESAT de SezanneQuand on dit Champagne-Ardenne, on pense immédiatement au ... champagne – même si cette image viticole concerne surtout la Marne. Dans ce département, 7 Esat proposent leurs services pour intervenir dans les vignes. Une activité qui ne s'improvise pas et qui nécessite une bonne formation. Guy Pierrot, délégué régional du Gesat en Champagne-Ardenne et directeur de l'Esat de Sézanne (Marne), témoigne des actions menées en matière de formation et de démarche qualité.
Est-ce que l'activité viticole est un travail facile à faire ?
Le travail à la vigne, ça ne s'invente pas. C'est une technique très précise qui s'étale sur toute l'année, « de la vendange à la vendange » comme nous disons. Il y a l'étape fondamentale de la taille, mais il y a aussi le liage où il faut attacher les brins de la vigne sur les fils de fer, puis les travaux d'été (débourgeonnage, palissage...) jusqu'au moment de la récolte. Le travail de la vigne ne pourrait pas être fait sans formation. Et la sanction d'un travail de mauvaise qualité serait immédiate : une perte de récolte, et pour nous, une perte automatique de client ! C'est pourquoi, très rapidement nous avons mis en place une formation viticole spécifique pour nos ouvriers. Lancée à titre expérimental il y a 15 ans, cette formation est aujourd'hui bien rôdée et donne des résultats. Pour la monter nous nous sommes associés avec un Centre de formation professionnelle pour adultes (CFPPA) viticole. Nous ne voulions pas seulement d'une formation pratique sur le terrain. Nous voulions aller plus loin et avec le CFPPA nous avons monté une formation spécialisée qui prenne en compte les handicaps de notre public. D'abord il n'y a pas de pré-requis, puisque beaucoup de nos travailleurs ne savent pas ou mal lire ou écrire. Nous leur demandons surtout d'avoir envie de travailler dans les vignes. La formation est pensée sur deux ans. La première saison va de novembre à mars et se termine par le passage d'un diplôme : le certificat d'ouvrier vigneron. Ne s'y présentent que les personnes qui y sont prêtes. Pour les autres, il y a une seconde saison qui permet d'approfondir et de mieux maîtriser la technique avant de passer l'examen. Celui-ci est identique à celui que passent les autres ouvriers vignerons. C'est un diplôme de droit commun. Le seul aménagement c'est qu'en dehors des deux épreuves pratiques, les épreuves théoriques sur la vigne et sur les maladies de la vigne, sont passées à l'oral et non à l'écrit.
Et vous obtenez de bons résultats ?
En règle générale il y a au moins 50 % de réussite. Cette année notre Esat a présenté trois candidats, deux ont été reçus. Idem pour l'Esat de Saint-Brice-Courcelles (Marne). Chez nous, sur 24 personnes, 18 ont suivi cette formation et 14 ont le diplôme. Mais au-delà de l'obtention du diplôme, c'est un plus pour les personnes, une véritable gratification qui permet à certains de rejoindre ensuite le milieu ordinaire. En effet, cette formation n'est pas que technique. Elle donne de l'assurance au travailleur, elle le fait progresser. Comme je dis souvent c'est du savoir-faire à la portée du savoir-être. Pour ceux qui n'ont pas passé ou obtenu le diplôme, nous leur délivrons une attestation de capacité qui indique qu'ils ont suivi la formation. Mais cette formation c'est aussi un plus dans notre relation avec nos clients. Ceux-ci sont rassurés et nous pouvons justifier nos tarifs en arguant que nos ouvriers ont reçu une formation sérieuse qui a été validée.
Vous ne vous êtes pas arrété là ?
Effectivement. Pour les autres activités où il n'y a pas de diplômes, nous avons monté à cinq Esat, une formation interrégionale (Île de France, Marne et Vosges) d' « opérateurs d'Esat » que nous avons baptisée formation « d'amélioration continue au service de son projet d'insertion professionnelle et sociale. » Cette formation, qui s'inscrit dans notre démarche qualité, dure 105 heures avec un regroupement de trois jours dans chacun des sites partenaires. C'est une occasion de se déplacer, d'aller voir ailleurs, de rencontrer d'autres travailleurs, de visiter des entreprises... Chaque personne présente un dossier sur un thème qu'il a choisi et qu'il présente devant un jury composé des directeurs d'établissements et de représentants d'entreprises. Les thèmes sont très variés : hygiène, sécurité, postures de travail, etc. Une année l'une des personnes qui me disait : « La seule chose qui m'intéresse dans le travail ce sont les pauses », a réalisé son dossier... sur les pauses ! Et cela a débouché ensuite sur la création d'une salle de repos pour les pauses dans notre établissement. Comme quoi tout se rejoint : la pause est importante pour une véritable démarche qualité dans le travail !
Vous avez des projets ?
Nous travaillons en effet sur la mise en place d'un niveau 2 pour cette formation, axée sur la représentativité des personnes. Nous constatons aussi que cette démarche intéresse d'autres Esat : il y a huit Esat candidats pour la prochaine formation. Notre objectif est de faire reconnaître cette formation par le biais d'un diplôme. Mais cela, il ne nous reste plus qu'à l'inventer et c'est notre travail de demain !
Contact :
Esat de Sézanne, cat.sezanne@wanadoo.fr
Tel : 03 26 80 63 12.
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