Cap Énergie : « On vend des compétences, pas du handicap »
La région Picardie abrite un réseau d'EA et d'Esat très dynamique. Démarré il y a 15 ans avec un atelier protégé, l'équipe a su s'adapter aux réalités du territoire et s'imposer comme un acteur incontournable de l'économie locale. Cap Énergie porte bien son nom car il a fallu en développer pour en arriver là : 10 établissements sur 3 départements.
Des entreprises demandeuses
D'emblée l'association s'est créée pour répondre à une demande de chefs d'entreprise décontenancés devant leurs obligations d'emploi de travailleurs handicapés. La volonté était là, mais pas de structure alentour. Le ton était donné : c'est le terrain qui va conditionner, voire provoquer, les choix de développement. C'est peut-être ce qui explique la grande diversité de métiers exercés au sein de Cap Énergie : plasturgie, création et entretien d'espaces verts, recyclage et revalorisation de fibre optique, fabrication de palette, conditionnement et expédition... et aussi finition de dentelles de Calais « nous sommes les seuls finisseurs de dentelles de Calais » nous dit Jean Pierre Dumont, Gérant de l'EA de la Baie de la Somme et Directeur General de Cap Énergie.
Le « couteau suisse du médico-social »
C'est ainsi que Cap Énergie a été qualifié par un inspecteur de l'ARS qui comme nous s'étonnait de la capacité à répondre et à réagir de ce réseau. Par exemple, une société délocalise soudain en Pologne l'activité confiée habituellement à un Esat. Bien entendu une rencontre est organisée. Sur place le représentant des Esat remarque des palettes et demande où elles sont fabriquées. En Pologne. Et pourquoi pas ici ? Et pourquoi pas nous ? Question : vous savez le faire ? Réponse : on apprendra. Et ils ont appris. De même, Alcatel se débarrassait des bobines de fibre optique usagées pour en racheter des neuves. Ridicule, alors qu'il suffit d'en changer la mousse interne pour qu'elles soient de nouveau opérationnelles. Aujourd'hui, l'activité créée dans la Somme est déclinée en Espagne. Une diversité qui présente beaucoup d'avantages : une offre d'emploi variée permettant d'accueillir des situations différentes, de réorienter les travailleurs vieillissants ou affectés d'une maladie évolutive, de faire face, économiquement parlant aux aléas des marchés, de montrer que le handicap n'est pas synonyme de sous-travail ou d'occupationnel...
Une évolution constante
Pas question de se reposer sur ses lauriers. Le réseau est à l'affut des opportunités et à l'écoute du monde, anticipant les problèmes et les opportunités. La fusion entre deux associations de la Somme et de Calais (ADATP dans la Somme et ASTPE à Calais) a permis d'atteindre une taille critique, et donc d'acquérir du poids face aux institutions. Les structures à caractère économique ont ensuite été fiscalisées, transformées en SARL, pour éviter à l'association d'être prise en défaut par les services fiscaux. « Une façon de se mettre à l'abri dans un contexte d'incertitude ». Une évolution constante aussi pour les salariés : un accord a été passé avec l' AGEFIPH pour proposer des formations en fonction des offres d'emploi. Il existait déjà un système de transmission de compétences en interne. Mais cette fois, c'est à travers le travail intérimaire : une mise à disposition de personnel en partenariat avec le CAP EMPLOI . Les offres sont déposées à Pôle Emploi qui oriente les personnes pouvant correspondre, lesquelles sont alors formées en fonction des demandes. Relativement nouvelle, cette initiative née dans la Somme a essaimé à Calais.
Et une dynamique d'avenir
Air France, Alcatel, Eurotunnel, les villes de Calais, le Tréport, la centrale nucléaire de PENLY.. Les clients de Cap Énergie sont peut-être trop nombreux pour être cités ici. La DIRRECTE d'ailleurs, ne s'y trompe pas : elle est très présente et soutient et accompagne activement le réseau. Le dynamisme développé par les gestionnaires répond en fait à la motivation de leur public. Des personnes prêtes à apprendre, évoluer, désireuses de s'intégrer, d'acquérir une véritable indépendance et une reconnaissance de leurs compétences. Les SARL qui les emploient pratiquent d'ailleurs l'intéressement aux bénéfices pour leurs salariés. De l'atelier protégé employant 18 salariés, il y a 15 ans, aux entreprises actuelles en employant 365, l'aventure a été longue. Et elle est loin d'être finie.